L'escòla e las inegalitats socialas e linguisticas
Aquí un testimoniatge que va en lo sens de l'analisi de Bourdieu sus las inegalitats socialas a l'escòla. Nos interessa d'aitant mai que ven d'un occitanofòn que deu una bona part del sieu percors a un regent qu'aplicava lo metòd Freinet.
1. Septembre
1964-Septembre 2004 : je peux témoigner de ce que l’essai
de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron (« Les Héritiers, les étudiants
et la culture ») est toujours
exact.
Paris, septembre 1964 : au moment où Pierre Bourdieu rédigeait la conclusion
de son essai (« La cécité aux inégalités sociales condamne et autorise à
expliquer toutes les inégalités, particulièrement en matière de réussite
scolaire, comme inégalités naturelles, inégalités de dons… »), je faisais
la connaissance de mes nouveaux camarades de promotion de Polytechnique sur la
montagne Sainte Geneviève, et j’observais les liens qui les unissaient par leur
lycée de préparation (Louis le Grand, Ginette…), leurs affinités religieuses
(les « talas », les israélites…), culturelles (binets musique,
théâtre…), sportives (escrime, tennis…).
En
juin, j’avais découvert Paris (venant du lycée Pierre de Fermat à Toulouse)
pour passer les oraux des écoles Normale Supérieure (Ulm), Mines, Centrale,
Polytechnique, et j’avais à peine été étonné par un examinateur qui justifiait
la diminution d’un point de ma note d’épreuve mathématique à l’oral de l’X
parce que je prononçais « epsilon » et « moins » avec un
fort accent du sud-ouest !
Il
est vrai que, né dans une famille très pauvre de paysans de la montagne Noire
(entre Brassac et Lacaune), ma langue maternelle était l’occitan local, et j’ai
appris le Français à l’école de mon hameau où de jeunes instituteurs débutants
venaient enseigner à une quinzaine d’élèves de tous âges, se déclaraient
malades dès la première neige de l’hiver tombée, remplacés quelques semaines
plus tard par d’autres débutants tout aussi peu motivés pour l’accompagnement
pédagogique de ces jeunes paysans…Ma chance est d’avoir eu comme premier
instituteur un adepte de la méthode Freinet.
Si
j’ai eu ma deuxième chance d’être proposé par l’un d’eux pour concourir à
l’examen d’entrée en sixième du collège Jean Jaurès de Castres, c’est parce
qu’une sœur aînée particulièrement douée avait été quatre ans plus tôt victime
d’un oubli d’inscription à cet examen : reçue ensuite première du canton
au certificat d’études primaires, elle n’a jamais pu réduire plus tard cet handicap d’un train d’études et
diplômes raté.
Je
pourrais volontiers – mais ce n’est pas l’objet du présent propos – illustrer
par mes souvenirs d’interne collégien puis lycéen les raisonnements
sophistiqués de Pierre Bourdieu précité: je me contenterai d’évoquer un fort
mauvais départ (5/20 de moyenne en mathématiques en classe de sixième) et
l’insistance déterminante de mon professeur de mathématiques en classe
terminale (lui-même fils de mineur de Carmaux et cachant ses convictions
communistes) pour m’orienter vers les classes préparatoires aux grandes écoles
d’ingénieurs dont mes parents ignoraient l’existence.
En
1964-1966, alors que les idées (confortées par des statistiques incontestées)
de Pierre Bourdieu nourrissaient des polémiques dans les dîners parisiens, et
que mes camarades de « Neuilly, Auteuil, Passy » (avec qui j’ai parfois
conservé des liens amicaux) s’en faisaient l’écho, je leur disais :
« Souriez : je suis votre alibi, parmi les 3% d’admis fils de
pauvres, qui permet à vos parents d’affirmer que le recrutement de l’école
Polytechnique est démocratique ! ».
Fontainebleau, septembre 2004 : notre quatrième de nos six enfants, Guillaume, est
admis à l’école Polytechnique, après l’aîné Laurent (1988), le deuxième
Alexandre (1992), et alors que le troisième Géraud y a été « grand
admissible » en 1994 (et a intégré l’ENSTA), et que la cinquième Constance
vient d’intégrer l’ESSEC.
Ainsi
donc je montre pour la seconde fois la justesse des mécanismes d’héritage
culturel et des choix tactiques d’éducation révélés par Pierre Bourdieu :
alors que huit déménagements géographiques ont jalonné ma vie professionnelle
en France, et
bien que je n’ai jamais donné un coup de pouce pour des leçons ou exercices à
mes enfants, il m’a suffi de les scolariser dans l’école (publique ou privée)
la plus proche de notre domicile, puis de leur choisir l’Allemand en première
langue du collège, et enfin de les proposer en terminale dans un lycée parisien
doté de classes préparatoires aux grandes écoles, à dix minutes de la résidence
de mes beaux parents.
Ils
ont suivi un parcours scolaire équilibré avec l’attention constante de mon
épouse qui avait obtenu une maîtrise de droit au moment de la naissance de notre
second fils à Lille, puis a été empêchée d’engager une carrière professionnelle
à cause de mes mutations successives.
Et pendant ces 40 ans écoulés, le taux d’enfants de pauvres admis s’est dégradé !
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